Chère et sale Dublin
Il y a deux ou trois ans, je ne sais plus très bien, Ulysse m'est tombé sur le coin de la figure. Puis ce furent les Dublinois, le Portrait de l'artiste en jeune homme, la monumentale ceinture astrale de Finnegans Wake... Lus à la campagne, dans les squares parisiens, sur un lit d'hôpital ou assis en tailleur sur les carreaux de la salle de bains, avec cette très vive certitude qu'un chef d'oeuvre littéraire n'est pas celui que l'on dévore, mais celui qui vous gobe tout entier, vous digère, vous recrache en petits morceaux gluants et hébétés (la lecture de Joyce est une expérience éminemment organique). "Quand on lit ces pages étranges de quelqu'un qui a disparu il y a longtemps on a l'impression de ne faire qu'un avec quelqu'un qui un jour..."
Boum. Pas le temps de se rendre compte de ce qui arrive, que l'on se retrouve à tremper dans un crime affreux. Car l'écriture de Joyce est née d'un attentat : il fallait d'abord tuer la littérature. Le roman sera charnel, orgasmique - cf. le monologue humide de Molly Bloom - ou ne sera pas. Entre trips typographiques et blagues à deux balles ("J'ai pris froid dans le parc. Le portail était resté ouvert."), exercices poétiques lumineux et sentences existentielles plombantes ("l'histoire est un cauchemar dont j'essaie de m'éveiller"), une poignée d'éléments romanesques jetés aux quatre vents, qui côtoient la chanson et le théâtre, Joyce forge une narration-implosion sulfureuse, catapultant la modernité littéraire en pleine éternité.
De l'errance hallucinée de Bloom dans les tortueuses ruelles dublinoises, au grand 8 de Finnegans à rendre tripes et boyaux, il fait de vous son complice et transforme votre univers en charmant petit théâtre de l'absurde. Je me souviens d'un chirurgien en blouse blanche, rentrant dans ma chambre suivi d'un petit groupe d'internes en lançant : "Dieu, ce grand collecteur de prépuces !" De Dylan garant son bus sur le parking du Palais des Congrés à quelques mètres d'un pub injustement nommé le "James Joyce". Et surtout, je me souviens d'heures innombrables à me régaler d'entrailles de volatiles et de rognons au goût d'urine avec des pavés sur les genoux. Bref, tout ça pour dire, avec une impatience fiévreuse et une émotion non contenue, que je m'en vais sur le champ et d'un pas fébrile visiter la matrice.
"Chère et sale Dublin", me voici...
Boum. Pas le temps de se rendre compte de ce qui arrive, que l'on se retrouve à tremper dans un crime affreux. Car l'écriture de Joyce est née d'un attentat : il fallait d'abord tuer la littérature. Le roman sera charnel, orgasmique - cf. le monologue humide de Molly Bloom - ou ne sera pas. Entre trips typographiques et blagues à deux balles ("J'ai pris froid dans le parc. Le portail était resté ouvert."), exercices poétiques lumineux et sentences existentielles plombantes ("l'histoire est un cauchemar dont j'essaie de m'éveiller"), une poignée d'éléments romanesques jetés aux quatre vents, qui côtoient la chanson et le théâtre, Joyce forge une narration-implosion sulfureuse, catapultant la modernité littéraire en pleine éternité.
De l'errance hallucinée de Bloom dans les tortueuses ruelles dublinoises, au grand 8 de Finnegans à rendre tripes et boyaux, il fait de vous son complice et transforme votre univers en charmant petit théâtre de l'absurde. Je me souviens d'un chirurgien en blouse blanche, rentrant dans ma chambre suivi d'un petit groupe d'internes en lançant : "Dieu, ce grand collecteur de prépuces !" De Dylan garant son bus sur le parking du Palais des Congrés à quelques mètres d'un pub injustement nommé le "James Joyce". Et surtout, je me souviens d'heures innombrables à me régaler d'entrailles de volatiles et de rognons au goût d'urine avec des pavés sur les genoux. Bref, tout ça pour dire, avec une impatience fiévreuse et une émotion non contenue, que je m'en vais sur le champ et d'un pas fébrile visiter la matrice.
"Chère et sale Dublin", me voici...