C.W. Stoneking - King Hokum

Publié le par Oyster

Dimanche est morne et pluvieux. Par une de ces matinées maussades et hagardes, une vitrine éclairée de crus néons, une demoiselle qui attend son heure, et des murs larmoyants autour. Assise dans son ombre, elle guette tandis que les vitres peu à peu s'embuent, que les volatiles crasseux perchés sur la gouttière s'embrouillent. Le ciel bas louvoie, les brumes opportunément draguent le trottoir, les vieux blottis par deux sous des parapluies noirs vont à la messe ou au cimetière. Pas un regard pour les spectres pendus aux antennes télé qui dégouttent sur les tuiles grises. Même les pigeons maigres tremblent d'effroi, il suffirait d'un pavé bien ajusté pour envoyer valser le décor. On a fait quoi des fondamentaux, qu'est-ce qu'on a foutu pour en arriver là ?
Ne désespérez pas braves gens, il y a des cadavres encore chauds qui appellent, et une tasse de thé entre les mains - à défaut de café noir (j'évite d'en boire, ces derniers temps ; il ne faut pas verser d'huile sur le feu) -, il s'agit d'ouvrir grand les oreilles et de reporter les yeux sur soi. Pour voir s'ouvrir entre nos côtes, par un précieux enchantement qui donnerait envie de chialer de joie, toute une organique imagerie venue de contrées où le soleil frappe fort. Le désert n'est pas loin, mais le sable qui vous fouette le visage, c'est mieux que les fumées froides de la grande ville.
Allez donc faire un tour dans ce petit théâtre à fleur de peau : des saynètes de la vie quotidienne, jouées par des gens pieds-nus dans la poussière, ponctuées de cloches fêlées auxquelles se heurtent les corbeaux. En 2005,  C.W Stoneking a ressuscité l'atmosphère des places de village où on mâche sa chique en sirotant du tord-boyau, où des musiciens débraillés exécutent quelques pas titubants sur une estrade fragile. Seule dans son coin, la gratte pincée de chagrin tourne le dos à l'orchestre éméché, qui tangue dangereusement sur les planches. Les voyages dans le temps, l'espoir qui renaît, ça tient à quelques notes qu'il ne faut pas rater.
Les fondamentaux, c'est ça : des sons qui font se dresser les poils des bras, des voix dans des bouches exhalant la vérité du soleil, des alcools frelatés, de la cambrousse poussiéreuse. Des trucs vieux comme le monde, mais un monde qu'on s'emploie à étouffer sous des couches de béton, à noyer sous des litres de flotte.
Avec toute cette eau dans les oreilles, pas étonnant qu'on perde pied.



C.W. Stoneking - Bad luck everywhere you go

Publié dans Eaux boueuses

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