L'optimiste

Publié le par Oyster

Un jour, une lettre recommandée viendra nous annoncer que tout ce qui a été pris sera rendu. On n'aura même pas besoin de faire la queue trois plombes à la Poste. Un jour, les bus de banlieue arriveront à l'heure pour nous conduire sur les lieux du jugement, à travers des autoroutes bordées d'immeubles couverts de lierre. Le travail ne sera plus précaire, car il sera la stabilité qui nous permet de nous investir dans les dimensions légitimement précaires de l'existence. Un jour, le silence en dira plus long sur la communauté humaine que les foires d'empoigne, et nos errements mutiques mèneront quelque-part. La lumière ne fera pas mal aux yeux, le vent n'aura pas à répondre sans cesse à de nouvelles questions, les enfants n'auront pas de cahiers de vacances à remplir pendant que les parents se brûlent les doigts au temps qu'il reste. Un jour, on ne dira du mal que de soi et on ne détruira personne derrière les portes. On saura que si on se tape la tête dessus, le mur cède. Un jour, la concierge ne nous racontera plus sa vie, ou on lui découvrira une existence trépidante. On n'aura plus à faire la liste des courses le vendredi soir, les bistrots seront nationalisés, le petit Sarkozy ne voudra pas transférer le grand Camus au Panthéon. Un jour, personne ne viendra vous expliquer ce que vous pensez et les voisins du dessus cesseront d'écouter de la musique qui ressemble à tout sauf à de la musique. Un jour, on pourra s'occuper d'amour sans craindre d'être à court d'eau fraîche, et quand on se regardera dans le miroir, on verra le crâne qui se marre. Le métro ne sera plus un manège triste. Être un animal social, cela ne signifiera plus être un animal. On partira en voyage, le temps qui passe nous accordera son amnistie et paiera sa tournée générale. L'aube ne sera pas furtive, l'automne n'annoncera pas l'hiver, nul ne nous détournera de ce qu'il faut faire. Nous n'aurons pas peur de l'avenir, nous volerons sur des tapis de feuilles mortes. Ce jour-là, on ne cherchera plus midi à quatorze heures,  et l'hymne européen sera discrètement remplacé par les Nocturnes de Chopin.



Publié dans Humeur (aqueuse)

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