Sibylle Baier - Colour Green

Publié le par Oyster

Recourir aux choses simples, leur beauté sans fard, ratisser les feuilles mortes devant la porte. Revenir aux racines de la musique et de sa capacité à nous émouvoir, comme si l’on pouvait oublier qu’à l’instar de « l’étonnement philosophique », la musique se vit comme une grâce naïve, un émerveillement de tous les instants. S’émerveiller, ça se travaille. Le fiston de Sibylle Baier a un jour tiré la malle de sous le lit, ou bien il est tombé dessus dans la cave, et l’époussetant de ses toiles d'araignées il l’a ouvert : à l’intérieur, la matière de Colour Green, comme un parfum qu’on enfermerait dans une boîte parce que, si on ne sait guère qu’en faire, on sait aussi qu’il est des émotions qui ne doivent pas se perdre. Ces photographies jaunies, on ne les regardera plus, mais leur présence rassure en suffisant à incarner le souvenir.

 

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Quand Sibylle Baier rentrait chez elle le soir, dans les années 70, elle enregistrait sa voix et ses quelques notes de guitare sur du matériel rudimentaire. Les quatorze chansons de Colour Green, les quatorze perles dissimulées sous le matelas, le temps leur a rendu raison et usage. Les sentiments humains profonds ne changent pas - ils languissent au chaud dans la caverne du cerveau, avec tout ce que la malle de Sibylle Baier a conservé dans l’ombre : l’intimité préservée, la poésie discrète, le raffinement des rudiments. Le café pris sur le pas de la porte dans les brumes de cinq heures du matin. Sibylle Baier nous fait oublier les sophistications du folk et nous ramène avec elle dans sa cuisine carrelée. Entre Tonight et The End, l’air que l’on fredonne et la complainte qui colle le frisson, on s’étonne de ce que les imperfections artisanales subliment davantage encore l’éprouvante pureté de la voix. Il y a de la douleur dans tant de douceur. Des anges qui passent, des feuilles qui volent mélodieusement, sans heurts. Ce n’est pas pour le simple plaisir de déterrer des archives prometteuses que le merveilleux Colour Green nous est parvenu : c’est parce que toute la mélancolique beauté d’un monde intact quoique perdu se trouve à l’intérieur.

 

http://www.sibyllebaier.com/home.html


 

 

Publié dans En musique et en vrac

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I
<br /> Un disque superbe découvert il y quelques années lorsque ces quelques chansons enregistrées dans les seventies sont remontées à la surface après une longue hibernation, et sans avoir pris une ride<br /> ...<br /> <br /> <br />
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